Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/271

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ordinairement d’autre effet que de redoubler son amour pour l’isolement. Ce qui lui convenait de la société, c’étaient les plaisirs des beaux-arts, le spectacle, une promenade brillante, un bal très nombreux. Quand elle voyait un salon avec six personnes, elle frémissait, elle était sûre que quelque chose de bas allait la blesser. L’expérience désagréable lui faisait redouter tout dialogue entre elle et une seule personne.

C’était un caractère tout opposé qui faisait compter pour beaucoup dans la société madame de Constantin. Une humeur vive et entreprenante, s’attaquant aux difficultés et aimant à se moquer de tous les ridicules ennemis, faisait considérer madame de Constantin comme l’une des femmes du département qu’il était le plus dangereux d’offenser. Son mari, très bel homme et assez riche, s’occupait avec passion de tout ce qu’elle lui indiquait. Depuis un an, par exemple, il ne songeait qu’à un moulin à vent, en pierre, qu’il faisait construire sur une vieille tour voisine de son château et qui devait lui rapporter quarante pour cent. Depuis trois mois, il négligeait le moulin et ne songeait qu’à la Chambre des députés. Comme il n’avait point d’esprit, n’avait jamais offensé personne, et passait