Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/299

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était importune et bientôt insupportable.

Pour l’achever de peindre, il trouva, en rentrant à la maison, son père d’une gaieté parfaite.

— Voici deux petites assignations, lui dit-il, qui sont les suites naturelles de vos dignités du matin.

C’étaient deux cartes d’abonnement à l’Opéra et aux Bouffes.

— Ah ! mon père, ces plaisirs me font peur.

— Vous m’avez accordé dix-huit mois au lieu d’un an pour une certaine position dans le monde. Pour rendre la grâce complète, promettez-moi de passer une demi-heure chaque soir dans ces temples du plaisir, particulièrement vers la fin des plaisirs, à onze heures.

— Je le promets. Ainsi, je n’aurai pas une pauvre petite heure de tranquillité dans toute la journée ?

— Et le dimanche donc[1] !

Le second jour, le ministre dit à Lucien :

— Je vous charge d’accorder des rendez-vous à cette foule de figures qui affluent chez un ministre nouvellement nommé. Éloignez l’intrigant de Paris faufilé avec des femmes de moyenne vertu ; ces gens-là

  1. [M. Leuwen père dit à Madame Leuwen : « Il est trop malléable, il ne fait d’objection à rien, cela me fait peur. »]