Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/314

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tendre. Et le mien de lire le journal ! »

M. de Vaize était comme hors de lui quand Lucien rentra enfin vers les trois heures. Leuwen le trouva dans son bureau, où il était venu plus de dix fois, lui dit le garçon de bureau, parlant à mi-voix et de l’air du plus profond respect.

— Eh bien ! monsieur ? lui dit le ministre d’un air hagard.

— Rien de nouveau, répondit Lucien avec la plus belle tranquillité. Je quitte mon père, par ordre duquel j’ai attendu. Il ne viendra pas et vous prie instamment de ne pas aller chez lui. L’affaire d’hier est terminée, et il en fait d’autres aujourd’hui.

M. de Vaize devint pourpre et se hâta de quitter le bureau de son secrétaire.

Tout émerveillé de sa nouvelle dignité, qu’il adorait en perspective depuis trente ans, il voyait pour la première fois que M. Leuwen était tout aussi fier de la position qu’il s’était faite dans le monde.

« Je vois l’argument sur lequel se fonde l’insolence de cet homme, se disait M. de Vaize en se promenant à grands pas dans son cabinet. Une ordonnance du roi fait un ministre, une ordonnance ne peut faire un homme comme M. Leuwen. Voilà à quoi en arrive le gouvernement en ne nous laissant en place qu’un an ou deux. Est-ce