Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/318

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terminer la communication sérieuse avec un si grand personnage.

— Serais-tu de force à hasarder le propos léger et un peu moqueur ? Il dirait : Digne fils d’un tel père !

— L’idée plaisante qui vous vient en une seconde ne se présente à moi qu’au bout de deux minutes.

— Bravo ! Tu vois les choses par le côté utile et, ce qui est pis encore, par le côté honnête. Tout cela est déplacé et ridicule en France. Vois ton saint-simonisme ! Il avait du bon, et pourtant il est resté odieux et inintelligible au premier étage, au second, et même au troisième ; on ne s’en occupe un peu que dans la mansarde. Vois l’Église française, si raisonnable, et la fortune qu’elle fait. Ce peuple-ci ne sera à la hauteur de la raison que vers l’an 1900. Jusque-là, il faut voir d’instinct les choses par le côté plaisant et n’apercevoir l’utile ou l’honnête que par un effort de volonté. Je me serais gardé d’entrer dans ces détails avant ton voyage à Nancy, maintenant je trouve du plaisir à parler avec toi.

Connais-tu cette plante de laquelle on dit que plus elle est foulée aux pieds plus elle est prospère ? Je voudrais en avoir, si elle existe, j’en demanderai à mon ami Thouin et je t’en enverrai un bouquet.