Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/365

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— Vous êtes un bien brave homme… Le riche banquier Leuwen, avec mademoiselle Des Brins, ça ne triche pas… Mais le général N… ?

— Certainement, je ne triche pas. Et tenez, ne parlez jamais du général N…, ni de personne, et voilà dix napoléons.

— Comptez-les-moi dans la main… Lever la tête me fait trop mal au ventre. »

Lucien compta les napoléons à voix basse, et en les faisant sentir comme il les mettait dans la main du blessé.

— Motus, dit celui-ci.

— Motus, bien dit. Si vous parlez, on vous vole vos napoléons. Ne parlez qu’à moi, et quand nous sommes seuls. Je viendrai vous voir tous les jours jusqu’à ce que vous soyez en convalescence.

Il passa encore quelques instants auprès du blessé, dont la tête semblait se perdre. Il courut ensuite dans la rue de Braque, où logeait Kortis. Il trouva madame Kortis entourée de commères, qu’il eut assez de peine à faire retirer.

Cette femme se mit à pleurer, voulut montrer à Lucien ses enfants, qui dormaient paisiblement.

« Ceci est moitié nature, moitié comédie, pensa Lucien. Il faut la laisser parler, et qu’elle se lasse. »

Après vingt minutes de monologue