Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/117

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vous a pas remis un pamphlet couvert de papier de deuil ?

— Vous m’en donnez la première nouvelle, et je vous serais vraiment obligé, général, si vous pouvez me le procurer.

— Le voici.

— Comment ! C’est le pamphlet du préfet. N’a-t-il pas eu ordre par le télégraphe de n’en pas laisser sortir un exemplaire de chez son imprimeur ?

— M. de Séranville a pris sur lui de ne pas obéir à cet ordre. Ce pamphlet est peut-être un peu dur, il circule depuis avant-hier, et, je ne puis vous le dissimuler, messieurs, il produit l’effet le plus déplorable. Du moins, telle est ma façon de voir les choses.

Leuwen, qui ne l’avait vu que manuscrit dans le cabinet du ministre, le parcourait rapidement. Et comme un manuscrit est toujours obscur, les traits de satire et même de calomnie contre M. Mairobert lui semblaient cent fois plus forts.

« Grand Dieu ! » disait Leuwen en lisant ; et l’accent était plus celui de l’honnête homme froissé que celui du commissaire aux élections choqué d’une fausse manœuvre.

— Grand Dieu ! dit-il enfin. Et l’élection se fait après-demain ! Et M. Mairobert est généralement estimé en ce pays !