Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/296

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l’héroïsme. Quel dommage qu’il n’arrive pas quelqu’un dans le salon pour jouir de la haute perfection de ses manières !… »

Elle ajoutait cependant :

« Ma présence devrait le tirer de cet état normal de l’homme comme il faut, et il semble que c’est surtout quand il est seul avec moi… et avec ces messieurs (madame Grandet eût presque dit en se parlant à soi-même : « avec ma suite » ) qu’il étale le plus de désintérêt et de politesse… S’il ne montrait jamais de chaleur pour rien, disait madame Grandet, je ne me plaindrais pas. »

Il est vrai que Lucien, désolé de s’ennuyer autant dans la société d’une femme qu’il devait adorer, eût été encore plus désolé que cet état de son âme parût ; et, comme il supposait ces gens-là très attentifs aux procédés personnels, il redoublait de politesse et d’attentions agréables à leur égard.

Pendant ce temps, la position de Lucien, secrétaire intime d’un ministre turlupiné par son père, était devenue fort délicate. Comme par un accord tacite, M. de Vaize et Lucien ne se parlaient presque plus que pour s’adresser des choses polies ; un garçon de bureau portait les papiers d’un bureau à l’autre. Pour marquer confiance à Lucien, le comte de Vaize l’accablait