Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/361

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le plus simple le marché fait avec madame Grandet[1]. M. Leuwen croyait parler à un homme politique, et commettait lui-même une lourde gaucherie.

La vanité de Lucien fut consternée, il se sentit froid dans la poitrine, car notre héros, en cela fort différent des héros des romans de bon goût, n’est point absolument parfait, il n’est même pas parfait tout simplement. Il est né à Paris, par conséquent il a des premiers mouvements d’une force incroyable.

Cette vanité immense, parisienne, n’était pas cependant unie à sa compagne vulgaire, la sottise de croire posséder des avantages qu’on n’a pas. Du côté des choses qui lui manquaient, il se jugeait même avec sévérité. Par exemple, il se disait :

« Je suis trop simple, trop sincère, je ne sais pas assez dissimuler l’ennui, et encore moins l’amour que je sens, pour arriver jamais à des succès marquants auprès des femmes de la société. »

Tout à coup, et d’une façon imprévue, madame Grandet, avec son port de reine, sa rare beauté, son immense fortune, sa conduite irréprochable, était venue donner un brillant démenti à ces prévisions philosophiques,

  1. Sotte confidence.