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MÉMOIRES D’UN TOURISTE.

le portrait de Cervantes.) Les Germains sont blonds en général, et ont les inclinations militaires.

À de grandes distances, dans les familles, on voit les mêmes traits se reproduire d’une façon presque identique. Tel enfant ressemble parfaitement à son grand-père, mort trente ans avant sa naissance, et il n’est pas rare de rencontrer dans les rues de Paris un Gael ou un Kymri de race pure.

Le lecteur me pardonnera-t-il ce compte rendu d’une soirée ? Par forme d’expérience, je l’ai fait parfaitement exact. Nous avions des vins de Bourgogne de huit ou dix sortes différentes ; on peut les comparer à des bouquets de fleurs. Mêlés à une conversation intéressante, mais c’est là un sine qua non, ils augmentent l’illusion du moment. Ils rendent l’homme bon et gai pour quelques heures ; et c’est une sottise à nous, si peu bons, si peu gais, si envieux, de négliger les oracles de la dive bouteille.


— Lyon, le 25 mai.

Je ne veux pas entrer dans le sérieux du commerce ; cependant je ne crois pas trop ennuyer le lecteur en montrant, en deux mots, comment Lyon déchoit depuis quelques années. Les négociants de cette ville avaient un moyen de prêter sur gages à dix et douze pour cent l’argent que les particuliers leur confient (car on ne place pas dans la vente en province), et qui ne leur coûte à eux que quatre ou cinq pour cent. Ce moyen s’en va. Après la récolte des cocons à Turin, à Milan, à Parme, etc., ceux des négociants d’Italie qui manquaient de fonds envoyaient leurs soies non travaillées à Lyon, et les y mettaient en dépôt comme gage des sommes qu’ils recevaient en retour. L’intérêt qu’ils payaient, augmenté des droits de magasinage, de la provision, et enfin de tout ce que doit supporter celui qui emprunte dans le commerce, s’élevait à onze ou douze pour cent.

Lorsque les négociants italiens virent l’émeute à Lyon, ils eurent peur pour leurs soies et demandèrent de l’argent à Londres ; bientôt ils en trouvèrent même en Italie. On établit des Monti