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ŒUVRES DE STENDHAL.

On creusait une grande fosse où descendait le prêtre ; il avait une robe de soie et une couronne sur la tête. On immolait la victime dont le sang arrosait le prêtre ; il devait se retourner pour le recevoir sur toutes les parties du corps. Cela fait, chacun se prosternait devant lui, et ses habits ensanglantés étaient conservés avec un respect religieux. Certaine partie du taureau était placée dans un lieu particulier. Cette cérémonie doit être d’une origine bien ancienne ; elle respire, ce me semble, cette énergie féroce qui convient à la religion des peuples jeunes encore ; le taurobole était une expiation, une sorte de baptême de sang, que l’on renouvelait tous les vingt ans.

L’autel de Lyon est le plus beau monument de ce genre, c’est ce qui m’a engagé à transcrire ici tout ce que le lecteur vient de lire. Cet autel a trois faces : la principale présente une tête de taureau parée de bandelettes, laquelle partage l’inscription en deux. La seconde face a un crâne de bélier ; la troisième l’épée taurobolique, faite comme celle de Persée.

Voici l’inscription traduite ; c’est comme une formule de prière :


« Pour le taurobole de la grande mère des dieux, Idéenne, Dindyméenne, qui a été fait par l’ordre de la mère divine des dieux, pour la conservation de l’empereur César Titus Ælius Hadrien Antonin le Pieux, père de la patrie, pour celle de ses enfants et de l’état de la colonie de Lyon. Lucius Æmilius Carpus Sextumvir Augustal et Dendrophore a recueilli les forces du taureau[1], les a transportées du Vatican, et a consacré l’autel et le bucrâne à ses dépens, sous le sacerdoce de Quintus Sammius Secundus, orné, par les Quindécimvirs, d’un occabe et d’une couronne, auquel le très-saint ordre de Lyon a décerné le sacerdoce perpétuel, sous le consulat d’Appius Annius Atilius Bradua et de Titus Clodius Vibius Varus. Le lieu a été donné par un décret des Décurions[2]. »

  1. Les organes sexuels.
  2. Voir Muratori, Blanchini, Mémoires de Trévoux, 1705, p. 652 Mont-