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ŒUVRES DE STENDHAL.

tions ; il défit en différents combats trois millions d’ennemis ; un tiers de ces ennemis fut tué sur le champ de bataille, et un autre tiers réduit en esclavage.

« Si la gloire de César, dit Napoléon, n’était fondée que sur la guerre des Gaules, elle serait problématique. »

Les Gaulois étaient pleins de feu et montraient une bravoure étonnante ; mais, divisés en un grand nombre de nations, ils se détestaient entre eux. Une ville faisait fort souvent la guerre à la ville voisine, uniquement par jalousie. Vifs et emportés, amoureux du danger, rarement ils écoutaient la voix de la prudence.

Leur ignorance de toute discipline, leurs divisions, leur mépris pour la science militaire, l’infériorité de leurs moyens d’attaque et de défense, leur habitude de ne jamais profiter d’une victoire, les rivalités de leurs chefs aussi emportés que vaillants, devaient les livrer successivement à un ennemi aussi brave qu’eux, et en même temps plus habile et plus persévérant.

Un seul Gaulois comprit les avantages de l’union, ce fut Vercingétorix, le jeune chef des Auvergnats.

« Dans les jours de fête, dit Florus, comme dans les jours de conseil pour lesquels les Gaulois se réunissaient en foule dans les bois sacrés, ses discours, pleins d’un patriotisme féroce, les exhortaient à reconquérir leur liberté. »

César comprit le péril : il était alors à Ravenne occupé à faire des levées. Il passe les Alpes encore couvertes de neige ; il n’avait avec lui que quelques troupes armées à la légère. Il rassemble les légions en un clin d’œil, et se montre à la tête d’une armée au centre de la Gaule avant que les Gaulois le crussent sur leurs frontières. Il fait deux sièges mémorables et contraint le chef des Gaulois à venir lui demander grâce : ce chef paraît en suppliant dans le camp romain ; il jette aux pieds de César le harnais de son cheval et ses armes.

Homme très-brave, lui dit-il, tu as vaincu[1].

  1. Florus, liv. III, c. xi.