Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/103

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passent pas d’actes ; ils n’ont pas le sou et ce sont gens avisés.

Cependant le remords presse si vivement ces deux pauvres honnêtes gens, qu’ils se rendent ensemble chez le procureur du roi comme pour lui demander conseil. D’abord ce sage magistrat feint de ne pas comprendre, puis il a l’air aussi embarrassé qu’eux, et leur fait répéter leur histoire jusqu’à trois fois. Il prétend enfin que dans une matière aussi grave, et quand il s’agit de soupçons envers une femme aussi honorable et aussi honorée que madame D., il ne lui est loisible d’agir que sur une dénonciation par écrit. Les notaires et le procureur du roi, assis vis-à-vis les uns des autres, gardent le silence pendant au moins cinq minutes ; peut-être les notaires ne demandaient-ils pas mieux que d’être éconduits.

Sur ces entrefaites, arrive en fredonnant le commissaire de police, jeune dandy venu de Paris depuis six mois seulement ; il se fait conter l’histoire presque malgré tout le monde.

— Eh ! messieurs, ceci est la scène du Légataire, dit-il en riant.

Les notaires et le procureur du roi restent confondus de cet excès de légèreté.

— Mais monsieur ne sait peut-être pas, dit le second notaire tout tremblant,