Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/115

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trouvait dans les conditions les plus favorables pour le bonheur. La femme était jolie et bonne ; le mari avait de l’aisance, un état fort lucratif, et du reste c’était bien le meilleur garçon du monde. Il avait, épousé sa cousine. Tous les deux désiraient beaucoup des enfants ; ce vœu ne fut pas exaucé.

Dans les premiers jours de janvier 1837, François Ganthier, le mari, partit de grand matin pour Limoges, où il conduisait une voiture chargée de farines. En traversant Argenton au petit jour, il crut voir un homme qui l’observait, et qui ensuite prit les devants. Ganthier passa le pont sur la Creuse, et, comme il montait une côte assez rapide, située au delà de la rivière, un homme, le même sans doute qu’il avait remarqué, se jeta sur lui qui était tranquillement assis sur sa charrette, et lui porta un coup de couteau. Ganthier saute à terre ; une lutte violente s’engage, il reçoit cinq ou six coups de couteau, et met l’assassin en fuite. Mais il perdait beaucoup de sang et ne put le poursuivre. On l’accueillit dans une maison voisine, et de là on le transporta chez lui.

L’opinion publique d’Argenton n’hésita pas. On attribua ce crime à Jean Marandon, sabotier, voisin et parent des Ganthier, veuf depuis deux ans, et qui passait pour