Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/121

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juge de paix d’Argenton, et vous savez que cette déclaration amena les deux tentatives de suicide, dont une seule fut consommée.

Pendant toute l’instruction, la femme Ganthier a nié, elle a nié jusqu’à l’absurdité ; mais elle a montré du moins, dans ce système de défense, une singulière opiniâtreté et une âme que rien ne peut fléchir.

— Les lettres, sauf l’orthographe, dit en finissant M. le président N… sont transcrites fidèlement ; dans les copies que j’en ai vues, l’orthographe avait été rétablie.

— La peur de l’enfer, ai-je dit, eût empêché ces suicides.

— Oui, mais toute sa vie avoir peur, n’est-ce pas du malheur ?

J’ai rapporté cette histoire de préférence à plusieurs autres également authentiques, qu’on a racontées ce soir, parce que les personnages de celle-ci n’ont pas trop d’énergie. La bonne compagnie de l’époque actuelle, seul juge légitime de tout ce que nous imprimons, a une âme de soixante-dix ans ; elle hait l’énergie sous toutes ses formes.

Madame Ranville a d’excellent thé. Vers les onze heures il y a eu collation, après laquelle sont bien vite parties toutes les