Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/144

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utile, tandis que Bonaparte profita pour ses commencements de l’enthousiasme créé par la révolution. Une des grandes affaires de sa vie fut ensuite d’y substituer un enthousiasme personnel, pour lui, et le vil intérêt.

Je suis entré dans ces détails, pour justifier Napoléon des mensonges et autres moyens de succès qui sauvèrent la patrie à Arcole, par exemple, et qui maintenant ont le malheur de scandaliser certains écrivains prudes et éminemment moraux, braves gens qui n’ont jamais rien vu ni rien fait qui vaille, et n’en veulent pas moins diriger l’opinion publique en maîtres.

On parle des trois jours de misères et de pluie à Mascara[1] ; qu’eût-il fallu dire après les cinquante-cinq jours sans manger de la retraite de Moscou ? Qu’eût dit Napoléon, qu’eût dit l’opinion de 1812, si l’on se fût plaint après huit jours de retraite[2] ?

Le hasard a voulu nous montrer, il y a

  1. L’édition originale imprime : « la Mascara ». N. D. L. É.
  2. L’opinion personnelle d’un individu sur Napoléon ne signifie rien. Si je me permets d’émettre la mienne, c’est que je vais écrire la vie de ce grand homme et il vaut mieux que le lecteur connaisse d’emblée l’opinion de l’auteur. Napoléon sauva la révolution en 1796 et en 1799 au 18 brumaire. Bientôt il chercha à anéantir la révolution et il eut mieux valu pour le bonheur de la France qu’il fût tué en 1805 après la paix. (Note de l’exemplaire Primoli.)