Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/167

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La société du dixième siècle se rapprochait par un côté essentiel du Paris de 1837. Les conquérants du Nord, énergiques et sauvages, venaient de faire irruption dans la société romaine élégante (les colonnes ne lui suffisaient plus, elle voulait des colonnes ornées de mosaïques ; voyez Ravenne) ; élégante, dis-je, mais énervée, étiolée, n’ayant plus de goûts sincères pour rien de ce qui exige de la suite, ne pouvant plus être réveillée que par l’ironie, genre de plaisir qui ne demande à l’esprit qu’une seule minute d’attention.

Sans la presse, qui permet à un ouvrier sauvage tel que J. J. Rousseau de prendre la parole et de se faire écouter, la bonne compagnie, du temps où le maréchal de Richelieu prenait d’assaut le port Mahon, eût été pour les passions au même degré de totale inhabileté que nous présente à Rome le roman de Pétrone.

Le mélange des barbares avec la société énervée produisit d’affreuses et longues convulsions, et la totale barbarie du dixième siècle ; mais enfin l’amalgame se fit, et l’être social nommé la France naquit.

Aujourd’hui, par l’effet de la révolution, le peuple est énergique, voyez ses suicides ; un tiers des gens riches qui louent des loges à l’Opéra seraient peut-être en peine de prouver que leur grand-père savait lire.