Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/171

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montagnes auprès de Paris : si le ciel eût donné à ce pays un lac et une montagne passables, la littérature française serait bien autrement pittoresque. Dans les beaux temps de cette littérature, c’est à peine si la Bruyère qui a parlé de toutes choses, ose dire un mot, en passant, de l’impression profonde qu’une vue, comme celle de Pau ou de Cras, en Dauphiné, laisse dans certaines âmes. Par une triste compensation, les plats écrivains de notre siècle parlent sans pudeur et sans mesure de ces choses-là et les gâtent autant qu’il est en eux.

Le pittoresque, comme les bonnes diligences et les bateaux à vapeur, nous vient d’Angleterre ; un beau paysage fait partie de la religion comme de l’aristocratie d’un Anglais ; chez lui c’est l’objet d’un sentiment sincère.

La première trace d’attention aux choses de la nature que j’aie trouvée dans les livres qu’on lit, c’est cette rangée de saules sous laquelle se réfugie le duc de Nemours, réduit au désespoir par la belle défense de la princesse de Clèves.

La France est sillonnée par cinq chaînes de montagnes. Les deux chaînes de collines qui servent de contre-forts à la Seine paraissent comme fauchées à une certaine élévation ; il faut les voir du