Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/218

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Les Lyonnais, comme toutes les populations dévotes, sont fort charitables, leur pays a besoin de cette vertu. Je ne trouve rien de plus imprudent que d’établir la prospérité d’une ville sur les manufactures. Un gouvernement qui aurait le temps de songer à ses devoirs devrait faire en sorte que le nombre des ouvriers de manufactures n’excédât jamais le vingtième de la population.

Mon honorable ami, M. Rubichon, le seul homme d’un grand esprit, je crois, qui ait aimé la Restauration, me disait un jour que la quantité d’argent que l’ouvrier en soie de Lyon reçoit pour sa journée représente, en 1837, une quantité de pain et de viande fort inférieure à celle qu’il pouvait acheter, avec sa journée, du temps de Colbert. Les successeurs de ce grand ministre n’ont pas compris que l’Italie qui fournit la soie se mettant à fabriquer de très bonnes soieries, à San-Leucio (près de Naples) et à Milan, et l’Angleterre tirant des tissus de soie de la Chine, qui bientôt en fournira aussi à l’Amérique, il fallait, par tous les moyens possibles, détourner les jeunes gens de seize ans de s’appliquer au métier d’ouvrier en soie. Tunis et Maroc préfèrent les soieries légères d’Italie aux nôtres.

Mais depuis 1830, comment des minis-