Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/236

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pensa qu’à N*** il pourrait la marier sans dot.

Tous les soirs à onze heures, René quittait le salon de madame Saint-Molaret. Il sortait par la porte cochère de l’hôtel, qui se refermait sur lui à grand bruit : mais cet hôtel avait un jardin et ce jardin un mur ; René montait sur ce mur, descendait dans le jardin, se cachait dans un arbre touffu, et attendait que, sur les minuit, une petite lumière parût à la fenêtre de mademoiselle Hortense. Bientôt on lui tendait une échelle de corde, et ce n’était qu’au petit jour qu’il repassait le mur du jardin. Ses amis soupçonnaient son bonheur, mais ne trouvaient pas qu’il en eût l’air assez enchanté. Il lui arriva même de dire une fois que mademoiselle Sessins n’était, après tout, qu’une petite comédienne.

Or, une nuit, tandis que René était caché dans son arbre, il voit tout à coup la tête d’un homme paraître au-dessus du mur du jardin ; son arbre n’était qu’à six pas du mur. Cette tête tourne de tous les côtés et a l’air d’examiner fort attentivement ce qui se passe.

Cet homme est un rival, pensait René ; il le voit s’élever sur ses poignets, se mettre à cheval sur le mur, et enfin se pendre à une corde et sauter dans le jardin. Tandis