Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/296

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et passaient gaiement leur temps dans les jeux de boules et les cafés des Brotteaux.

Un gouvernement courageux pourrait exiger du clergé de Lyon de ne pas pousser les ouvriers pauvres au mariage. On agit dans le sens contraire, on ne prêche autre chose au tribunal de la pénitence.

Ces ouvriers de Lyon fabriquent des étoffes admirables d’éclat et de fraîcheur, dans la chambre qu’ils habitent entourés de toute leur pauvre famille. Toute la journée, le plus jeune associé des maisons de soieries de Lyon court de chambre en chambre (on compte quinze mille de ces ateliers), et paye ces ouvriers selon le degré d’avancement de leur ouvrage ; ce faisant, cet associé gagne six mille francs par an. Lui, sa femme et ses enfants en mangent cinq mille, et ils mettent de côté mille francs, qui, après quarante ans de travail deviennent cent mille. Alors le père de famille se retire dans quelque maison de campagne, à quatre ou cinq lieues de sa patrie. Mais si au milieu de cette vie si tranquille il survient une émeute, le Lyonnais se bat comme un lion. Cette vie douce, prudente, égale, sans nouveauté aucune, qui me ferait mourir infailliblement au bout d’une couple d’années, enchante le Lyonnais. Il est amoureux de sa