Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/316

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a remarqué des gens de la société de Bellecour, qui amenaient là leurs enfants pour leur inoculer l’horreur de la république. L’idée est fort juste : cette tête coupée et livide peut frapper vivement un enfant et décider pour la vie de ses penchants politiques. L’Anglais s’étonne du peu de succès de ce tableau.

— Vous verrez, lui dis-je, que M. Court n’est d’aucune camaraderie.

Ce tableau donne la sensation d’une grande foule, de l’agitation passionnée de cette foule ; et quand l’œil, frappé de l’aspect de l’ensemble, arrive à observer les groupes, chacun d’eux est d’un bel effet et augmente l’impression générale. Les figures de femmes sont fort bien, et pourtant ce ne sont point des copies de statues grecques ; ce sont de vraies Françaises. Les représentants sont des hommes indignés et magnanimes ; les insurgés des faubourgs sont furieux. On ne peut plus oublier, après l’avoir vue une fois, la joie stupide de l’homme du peuple qui se fait gloire de porter au bout d’une pique la tête de Féraud. Chaque groupe exprime nettement une certaine action. Enfin, chose qui devient de jour en jour plus rare, la forme des corps humains est respectée : ces jambes, ces bras, appartiennent à des gens vigoureusement cons-