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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

En l’an VI de la république, une paysanne, nommée Serpolier, trouva dans sa vigne un joli groupe parfaitement conservé et qui fait aujourd’hui l’ornement du prétoire. Ce sont deux enfants presque aussi grands que nature : l’un des deux tient une colombe de la main gauche, l’autre lui mord le bras droit, apparemment pour se faire céder la colombe. La composition de ce groupe est élégante et même un peu maniérée ; il y a de l’affectation. La pauvre femme qui l’avait découvert ne voulut pas le vendre à M. Millin, qui passait dans le pays. Jamais je ne me séparerai, disait-elle, de ces charmants petits anges que le ciel m’a envoyés pour la protection de ma maison.

Ce groupe a donné lieu à un grand nombre de dissertations, où la pauvre logique est outragée comme à l’envi. Je remarque que les savants venus en dernier lieu ont un avantage notable sur les autres ; ils prouvent agréablement que les suppositions de leurs prédécesseurs sont de toute absurdité.

Le Garofolo, assez bon peintre italien de l’école de Raphaël, peignait souvent un œillet dans le coin de ses tableaux. Garofolo, en italien, veut dire œillet. C’est peut-être par une raison semblable que le sculpteur du groupe de Vienne a placé un