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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

quatre ou cinq ans ces dieux ne tombent à plat ; ce malheur arrivera quand il n’y aura plus dans les affaires que des hommes nés après 1789.

Je prévois une seconde cascade dans un avenir beaucoup plus reculé, d’ici à trente ans, quand arriveront aux affaires les hommes qui avaient quinze ans en 1828, à cette époque fatale où tout ce qui portait des gants osait appliquer le raisonnement aux vieilleries les plus vénérables. Mais alors les fils d’enrichis sauront lire, leur voix comptera en littérature, ce qui fera contre-poids au torrent de l’innovation.

Voici l’accident qui m’arrive : mon attention est empoisonnée pour toute une journée si je l’arrête sur des âmes basses, et les âmes basses qui se trouvent réunies à beaucoup d’esprit ne font que rendre le poison plus subtil ; de là mes imprudences par inattention.

Écrire ce journal le soir, en rentrant dans ma petite chambre d’auberge, est pour moi un plaisir beaucoup plus actif que celui de lire. Cette occupation nettoie admirablement mon imagination de toutes les idées d’argent, de toutes les sales méfiances que nous décorons du nom de prudence. La prudence ! si nécessaire à qui n’est pas né avec une petite fortune