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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

paysans du voisinage, et qui avait réuni beaucoup de livres pesant d’or et d’argent, si ce n’est celui de bâtir une cathédrale ? De là, la magnifique renaissance de l’architecture au onzième siècle.

Chose étonnante ! Nos barbares ancêtres, quoique si forts matériellement, n’eurent point l’idée de bâtir avec d’énormes blocs de pierre. C’est ce qu’avaient fait pourtant ces peuples antiques et à demi sauvages, qui ont laissé à Alba (près de Rome) et en cent endroits de l’Italie ces constructions si imposantes que l’on appelle aujourd’hui cyclopéennes.

L’art de bâtir était mort en quelque sorte avec l’empire des Césars, mais les édifices romains subsistaient en partie au onzième siècle : la plupart servaient de forteresse, et les barbares eurent l’idée malheureuse de les copier. C’est là le premier mauvais tour classique que l’antiquité nous ait joué. Si nos ancêtres eussent suivi leur instinct naturel, ils eussent du moins entassé d’énormes blocs de pierre, et leurs œuvres seraient imposantes. Ils ont imité, et la postérité les méprise ou les ignore.

Au sortir de ce dixième siècle, qui fut en France l’époque du plus grand abaissement de l’espèce humaine, les chefs barbares, guidés par les évêques qui pour