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LA PROVINCE ENVIE PARIS

envieux d’homme à homme dans ce triste dix-neuvième siècle, non seulement tout banquier ou négociant riche exècre M. Laffite ; mais encore Toulouse, Bordeaux, etc., s’amaigrissent de la prospérité de Paris. On envie à Paris : 1o ses jeux de bourse (un homme, sans qu’on le sache, sans passer pour joueur, peut se donner tous les vifs plaisirs du jeu le plus fou). 2o On envie à Paris sa rente. Il y a soixante mille parties prenantes pour la rente à Paris, disent ces messieurs, et pas quatre mille en province. Les terres ne rendent que deux et demi et avec mille peines, et l’argent placé en rentes à Paris produit quatre trois quarts. — Oui, pourraient répondre les rentiers, mais la terre donne des jouissances de vanité et vous fait capitaine de la garde nationale avec bonnet à poil. 3o Toutes les grandes affaires ne peuvent plus s’organiser qu’à Paris, on ne connaît d’exception que quelques affaires du second ordre arrangées à Lyon.

— À qui la faute ? ai-je répondu ; aux petites haines qui font déserter la province par tout ce qui peut vivre à Paris. Car, pour n’avoir pas l’air de mépriser l’attaque, j’ai été obligé de dire quelques mots assez froids. — Mais, messieurs, c’est la fable des membres révoltés contre l’estomac. Voulez-vous être un pays décou-