Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
379
LA BOURGOGNE

rendu la France indépendante du caprice des rois voisins, libre et vertueuse à l’intérieur. Mais ne cherchons point à imiter ces hommes sublimes, car ils ne nous ont laissé rien à faire qu’à jouir en paix du fruit de leurs travaux. Gardons-nous de déranger l’équilibre des choses, n’ayons point l’imprudence de réveiller l’esprit d’émulation dans le peuple, là surtout est le danger. Plus d’enseignement mutuel, plus de grandes écoles… Alors on a ri tout haut, car le monsieur a fait sa fortune par les sciences et par les grandes écoles. Il a été piqué au vif, sa vanité blessée l’a jeté dans des imprudences ; les rires ont redoublé, et l’on peut dire qu’il a été hué autant que la politesse le permet. M. N…, comme tant d’autres, voudrait jouir de ses places, et en même temps trouver dans les salons cette haute considération, cette bienveillance unanime qu’il y rencontrait jadis. Voilà le tourment de ces messieurs qui ont fait fortune depuis sept ans.

— C’est une véritable maladie européenne, s’est-il écrié avec humeur, que ce besoin des peuples de se mêler des affaires publiques et d’intervenir dans l’exercice du pouvoir souverain. Ce pouvoir, pour faire le bien, ne doit avoir que des barrières toutes morales, autrement