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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

mon cher abbé, ne vous fâchez pas, si le ciel ne vous a pas réparti la beauté des traits du visage, il a orné votre belle âme de toutes les vertus humaines ; mais si j’étais l’oncle de ce petit méchant lutin, je la claquerais d’importance : mais, puisque je ne suis que son vieil ami, je vais l’embrasser pour le plaisir que m’a fait sa saillie si piquante et si vraie. — Ah ! monseigneur, et vous aussi ! Oh ! c’est mal, très mal, et je ne vous aime plus. » C’est de cette manière que ces deux hommes, si bien faits pour s’entendre, et malgré les dignités respectives dont ils étaient revêtus tous deux, c’est comme cela, dis-je, qu’ils ne se refusaient jamais les plaisanteries légères qui ne faisaient que mieux ressortir l’aménité et la simplicité de leurs mœurs irréprochables. (M. le comte de Noé était un homme magnifique et de taille, et de figure, et de maintien. Sa tournure noble et distinguée, lorsqu’il avait revêtu ses habits sacerdotaux, provoquait l’admiration de tous ceux qui l’apercevaient ; pour son grand vicaire, il était petit, maigre et fort laid.)


UN DESSERT CHEZ L’ABBÉ AUGER, ET DANSE DE RONDES DE MONSEIGNEUR L’ÉVÊQUE DE LESCARS ET DE SON GRAND VICAIRE

On arriva au dessert, et les superbes oranges, mises avec soin dans une belle corbeille de porcelaine dorée, occupaient avec faste le milieu de la table : on en coupa