Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/468

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
429
TOURS

Je suis revenu pour le dîner à table d’hôte ; ce n’était pas la peine : dîner infâme s’il en fut jamais, plus mauvais encore que celui d’hier ; nous avions une alose et des poulets trop avancés. Mais la salle à manger est vaste, les fenêtres sont bien drapées et les demoiselles servantes sont assez drôles ; elles étaient en conversation suivie avec les pensionnaires. Deux ou trois de ces messieurs ont des mines précieuses : l’un d’eux, jeune homme de cinquante-cinq ans, avec des cheveux gris infiniment trop prolongés, les porte coquettement arrangés de façon à bien marquer la raie de chair. J’ai dîné là avec quatre ou cinq Anglais qui ont l’air bien minables : ils ne se fâchent de rien.

Après le dîner, comme il n’y avait point de spectacle, je suis monté tristement au cabinet littéraire, et comme hier j’y ai eu grand froid. De dépit j’ai entamé la conversation avec mon voisin, c’était un sous-lieutenant que j’ai trouvé plein de bon sens et même d’esprit. Nous parlions des uniformes, et je vantais à l’étourdie un uniforme commode et peu cher, mais non pas beau.

— Nous nous battons une fois par an, et le soldat est misérable et sans le sou dans sa poche six fois par mois. Qui le consolera dans son malheur, si ce n’est l’amour du