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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

raient divisés en trois colonnes : faits sûrs ; choses probables ; simples on dit.

Par ce simple moyen, et avec cent mille francs de ports de lettres, on réunirait une masse de faits non moins vrais que variés, à l’aide desquels il serait possible de remplir, d’une manière amusante, les trois premières pages d’un journal. La quatrième serait occupée par les ordonnances du roi, et des nouvelles qu’il faudrait toujours raconter sans le moindre adjectif de louange ou de blâme. Jamais, bien entendu, aucun démenti malhonnête donné aux autres journaux ; jamais aucune apologie des mesures du gouvernement. On donnerait les discussions des chambres, rédigées de façon à ce que chacun des douze ou quinze parleurs distingués par le public obtînt un nombre de lignes exactement proportionnel au nombre de minutes qu’il a passées à la tribune. Pour toute hostilité, on se permettrait de faire des procès en contrefaçon aux écrivains qui, avant un délai de huit jours, s’empareraient des faits énoncés dans les trois premières pages du journal du gouvernement. S’ils prétendaient avoir reçu la même nouvelle, on leur demanderait la lettre timbrée à la poste.

Je croyais d’abord que c’était le zèle tout seul, ou le désir de l’avancement, qui