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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

choses curieuses qui vous environnent peut-être, et au milieu desquelles on ne repassera jamais.

Vu notre position non insulaire et le penchant au désordre, qui est peut-être inné chez les Français, il me semble qu’en 1837 du moins, le gouvernement royal est préférable à la meilleure des républiques. Nous tomberions sous le plus mauvais des rois, sous un Ferdinand VII d’Espagne par exemple, que je l’aimerais mieux que les républicains au pouvoir. Ils y arriveraient, je le crois, avec des intentions raisonnables ; mais bientôt ils se mettraient en colère, et voudraient régénérer.

Si la révolution de 89 a réussi, c’est que tous les plébéiens qui avaient un peu de cœur étaient animés d’une haine profonde pour des abus atroces. Où sont aujourd’hui les abus atroces ?

Tout à coup, et comme par miracle, accoururent au secours de la révolution sept à huit grands hommes, dont chacun tracera la liste suivant les passions ou les préjugés de sa famille. Ces grands hommes eurent tant d’énergie, qu’aujourd’hui, après quarante ans, la pusillanimité que nous devons à leurs victoires et à la position tranquille que nous ont faite ces victoires n’est pas encore accoutumée à regarder en face cette énergie.