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UNE PRINCESSE

Notre conversation a été interrompue par le passage du pont d’Ancenis, qui n’est pas une petite affaire. Les roues de notre bateau ont passé des deux côtés à trois pouces des piles, qui heureusement sont en bois. On avait abaissé la cheminée de tôle, et, malgré sa position horizontale, son bord inférieur a ratissé les poutres vermoulues du pont, et nous avons été couverts de petits éclats de bois. Pour peu que la Loire soit haute, le bateau à vapeur ne peut plus passer sous ce pont suranné dont il faudrait supprimer une pile.

Quand l’épisode du pont a été terminé. Il n’est pas, m’a dit l’ancien préfet, que vous n’ayez entendu parler de madame Ostrolenka, cette princesse russe de tant d’esprit ; elle est encore fort bien, mais altière comme un démon. Elle avait auprès d’elle une personne fort bien aussi de toutes façons, et qui l’appelait ma tante. Tout à coup, à Naples, elle a eu la fantaisie de la marier au fils du fameux apothicaire Arcone. La princesse est fort redoutée dans sa maison ; à mesure qu’elle s’éloigne de la première jeunesse, elle devient l’être le plus aristocratique peut-être de tous les royaumes du Nord.

Jamais sa pauvre nièce n’a trouvé le courage de lui dire qu’elle ne voulait pas du fils de l’apothicaire. Les bans ont été