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Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/90

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avec lui, et, comme je suis un Parisien, et de plus un Parisien voyageant en poste, il a daigné me raconter le mot qui lui a valu tant de gloire.

Attendez-vous à quelque chose de bien plat.

En 1815 ou 1820, M. Robertson, physicien, escamoteur, inventeur de la fantasmagorie, etc., donnait une soirée dans la ville de ce monsieur. Au milieu de la séance, il prend d’un air tragique une coupe en verre coloré :

— Cette coupe, messieurs, dit-il aux spectateurs, me rappelle des souvenirs à la fois bien doux et bien amers. Au moyen de ma science, cette coupe que vous voyez, messieurs, cette simple coupe ! renferme tout ce qui reste sur la terre de ma chère troisième femme. Après son trépas je la fis transporter sur un bûcher, où elle fut brûlée, messieurs, à la manière antique. Par ma science, j’ai vitrifié ses cendres, et toutes les fois que je bois dans cette coupe, je pense avec attendrissement à ma chère troisième femme.

— Hé ! monsieur, aviez-vous mis en bouteille les deux premières ? s’écria M. de C.

Voilà le mot, le pauvre mot, le mot glorieux qui a changé sa vie. L’applaudissement fut immense. Depuis ce grand jour,