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LE RIRE

malheur plus agréable, et il y a une seconde cause du rire : nous rions de la laide figure qu’il fait en tombant.

Goût (Déception du).

Nous rions de l’homme qui se brûle en mangeant sa soupe trop chaude. Nous rions surtout de la laide grimace qu’il fait. Cela se prouve ainsi : nous rions moins si nous ne voyons d’autre témoignage de l’accident que la rougeur de la figure du brûlé. Nous nous disons : « J’aurais tâté ma soupe avant de la porter à la bouche ; donc, je suis supérieur. » Chez une nation où en une heure, on a huit à dix prétentions de vanité, le rire provenant de la laideur du signe de l’infériorité doit être extrêmement fréquent ; il l’est moins chez les peuples où l’originalité est plus habituelle.

On offre à quelqu’un un bonbon amer il le saisit avec une sorte d’avidité de gourmandise ; on rit : 1o de son attrape ; 2o du signe ridicule qu’il en donne.

Vue (Déception de la).

Nous apercevons une femme fort bien faite, qui marche à vingt pas devant nous. Notre ami nous dit : « Ah ! voilà madame