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LE RIRE

Quelle source de ridicule pour un homme froid et raisonneur, que toutes les douleurs d’un pauvre amoureux !… Le philosophe voit son ami manquer à la fois d’esprit, de prudence et de courage. Quelle bonne jouissance d’amour-propre !

1o Manque d’esprit : concevoir des espérances si facilement ;

2o Manque de prudence : mettre la source de toutes ses joies, de tout son bonheur, dans une seule personne, et encore cette personne est une femme ;

3o Manque de courage : être mortellement affligé de voir s’évanouir le bonheur qu’on avait espéré.

Folie de la base des joies et des chagrins ; nouvelle folie dans l’excès de ces joies et de ces chagrins. Le philosophe rit, pourvu que sa bonne étoile préserve sa gaieté de ce raisonnement : « Ces joies, ces désespoirs, c’est là vivre, et, moi, je suis congelé. »

Un ancien auteur dit : « Je tiens que c’est une opinion fausse que celle qui dit que l’on peut ôter la rate aux laquais (Joubert, page 284), pour les rendre plus légiers, car ils en mourraient, et, par conséquent, deviendraient immobiles. »

Cette dernière ligne me fait rire ; je ris de la bonhomie de l’auteur, qui a cru une telle explication utile au lecteur.

Nous rions presque autant des erreurs