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LE RIRE

recouvert en parchemin. (Le lire dans quelque moment perdu à la bibliothèque ma voisine[1].)

L’injure ne fait pas rire ; ou, si elle faisait rire, ce serait de la colère de qui se la permet. Exemple : Alfieri, dans ses épigrammes, et les journaux bêtes voulant donner des ridicules et allant jusqu’à l’injure. On dit une injure à quelqu’un, il la supporte patiemment, nous rions :

1o De sa lâcheté ;

2o Ou de la laide mine qu’il fait en avalant le mépris.

Voilà pourquoi on rit des brocards, lardons, moqueries, plaisanteries, mots piquants, mordants, équivoques, etc.

Toutes ces choses excitent d’autant plus le rire, qu’on respecte davantage le lieu, le temps et les personnes.

On connaît cette anecdote. À côté du lit d’une fille mourante, la mère éplorée dit, dans l’excès de sa douleur : « Grand Dieu, prends mes autres filles et laisse-moi celle-là ! » Le gendre, s’approchant doucement : « Madame, les gendres en sont-ils ? » — Tous en prirent le rire fou, même la mourante.

Le rire s’adressant à l’estime de nous-même, passion qui ne nous abandonne

  1. À la bibliothèque royale, rue de Richelieu, rue dans laquelle Stendhal habitait. N. D. L. É.