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grande occasion, il osa résister seul au comte de Firmian et à tout le conseil.

Il raisonnait comme Socrate et savait exposer ses raisonnements comme Lucien. Cette gaîté unie au courage désolait ses ennemis. Il a fait une Histoire de Milan qu’on dirait écrite par Fénelon. C’est un bon père qui explique tout à ses enfants, et qui tout simplement appelle les crimes par leur nom. Si l’on avait tout ce qu’il a écrit sur saint Charles, la réputation de ce grand homme en serait bien diminuée. On y verrait qu’un des grands buts de saint Charles fut d’hébéter les peuples de la Lombardie et de remplacer les idées militaires et héroïques par les idées ascétiques. Ce saint rappelle notre grand Bossuet qui divinisait les massacres des Cévennes et les autres horreurs de Louis XIV. P. Verri fut obligé de faire beaucoup de retranchements à son manuscrit et il n’est pas probable que sa famille les laisse publier. Il écrivait en français comme le prince de Ligne, courant toujours après l’esprit et le rencontrant quelquefois. Les manuscrits de P. Verri en italien et en français sont pleins de sentiments jacobins ; on y voit qu’il sentit vivement dans sa jeunesse, et avançant dans la vie il n’aima plus avec passion que sa patrie[1]. J’ai

  1. Les Nuits romaines sont un ouvrage à la Chateaubriand avec moins de fraîcheur dans les images. Du reste