Page:Stendhal - Pages d’Italie.djvu/219

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ter à un spectacle de marionnettes. La modicité du prix me fit craindre d’y rencontrer mauvaise compagnie, mais je fus agréablement surpris de voir que 38 centimes dans un pays sans argent suffisaient pour écarter la canaille, et je pris ma place au milieu d’une réunion fort décente et fort respectable de citoyens de Rome.

Les habitants de Rome sont peut-être, en Europe, le peuple qui entend le mieux la satire légère et piquante : doués d’une grande pénétration, ils saisissent avec vivacité les allusions les plus fines et les plus éloignées et ils mettent leur malice à s’égayer sur le compte des grands, toutes les fois qu’ils le peuvent, par des dialogues piquants entre Pasquin et Marforio, ou par le jeu non moins fin et non moins satirique de leurs chers fantoccini. Il est inutile de dire qu’on chercherait en vain la même liberté dans les théâtres réguliers, dont toutes les pièces sont soumises à la censure ; ce n’est qu’au théâtre des marionnettes, où les pièces sont improvisées, que les Romains peuvent espérer quelque indulgence pour leur divertissement favori. Ce préambule était nécessaire pour vous empêcher de vous moquer de moi, quand je vous dirai que j’ai passé des soirées délicieuses à une représentation des marionnettes du palais Fiano. Les