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crime par tuer d’un coup de stylet un oncle qui s’était emparé sans aucun titre de sa petite fortune, et qui pour toute satisfaction l’injuria et le frappa.

Ce premier pas une fois fait, Rondino se retira au milieu des montagnes et fit la petite guerre avec les gendarmes, qui venaient de temps en temps l’y chercher. Ses exploits contre eux le firent considérer comme un héros parmi les paysans du voisinage, animés d’ailleurs d’une haine très vive pour les persécuteurs des carbonari ; dans l’espace de deux ou trois ans, Rondino tua ou blessa une quinzaine de gendarmes.

Cet homme, qu’un si malheureux hasard avait rendu criminel, changeait souvent de retraite, mais ne s’éloignait jamais de plus de sept à huit lieues du village aux environs de Turin, où il était né. Il ne volait point ; seulement quand ses munitions et ses vivres étaient épuisés, il demandait au premier passant un quart d’écu pour se procurer de la poudre, du plomb et du pain ; si on voulait lui donner davantage il refusait le surplus.

Ce brigand honnête avait un profond mépris pour les assassins et pour les voleurs ; sa qualité de proscrit pouvait seule excuser à ses propres yeux le singulier métier qu’il exerçait. Une fois, on le vit déjouer noblement une bande qui lui avait communiqué