Page:Stendhal - Pages d’Italie.djvu/322

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On faisait foule dans l’appartement ; tout Rome était là. Je me trouvai plongé dans un nuage d’étoiles, de croix, de décorations, d’habits brodés et autres nugae, empruntés à la lune de l’Arioste, et devant y retourner. Tandis que je me frayais un chemin parmi ces splendeurs, dans l’intention d’aller rendre mes devoirs au noble hôte, et tout à tour distrait par les diamants et les plumes des dames, les calottes rouges et le teint brun acajou des cardinaux, les moustaches et l’aspect rodomont des militaires, mon attention fut tout à coup appelée à ma droite par un rire bruyant ; et au centre d’un groupe composé des éléments les plus hétérogènes, déclamant avec l’accent napolitain le plus prononcé, j’entendis d’abord, et distinguai ensuite, quoiqu’avec peine, le marchese Fuscaldi. Imaginez un petit personnage d’environ quatre pieds huit pouces de haut, boiteux d’un pied, borgne d’un œil, et clopin-clopant, louchant, s’agitant, pour faire les honneurs de la fête, avec une imperturbable intrépidité de satisfaction de soi-même et de bon naturel, comme si tout cela n’était qu’un déguisement de carnaval qu’il pût quitter à son gré, avec son masque et son domino…

La danse venait de commencer dans la belle galerie des Carraches : les cardinaux