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SECONDE PARTIE

romantique dont les événements soient resserrés, par le hasard, dans l’enceinte d’un palais et dans une durée de trente-six heures. Si les divers incidents de cette tragédie ressemblent à ceux que l’histoire nous dévoile, si le langage, au lieu d’être épique et officiel, est simple, vif, brillant de naturel, sans tirades ; ce n’est pas le cas, assurément fort rare, qui aura placé les événements de cette tragédie dans un palais, et dans l’espace de temps indiqué par l’abbé d’Aubignac, qui l’empêchera d’être romantique, c’est-à-dire d’offrir au public les impressions dont il a besoin, et par conséquent d’enlever les suffrages des gens qui pensent par eux-mêmes. La Tempête de Shakspeare, toute médiocre qu’elle soit, n’en est pas moins une pièce romantique quoiqu’elle ne dure que quelques heures, et que les incidents dont elle se compose aient lieu dans le voisinage immédiat et dans l’enceinte d’une petite île de la Méditerranée.

Vous combattez mes théories, monsieur, en rappelant le succès de plusieurs tragédies imitées de Racine (Clytemnestre, le Paria, etc.), c’est-à-dire remplissant aujourd’hui, et avec plus ou moins de gaucherie, les conditions que le goût des marquis de 1670 et le ton de la cour de Louis XIV imposaient à Racine. Je