Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
144
RACINE ET SHAKSPEARE

chambre des pairs. Le salon des Bonnes-lettres, qui est à la suite de cette chambre, ne peut donc opposer des injures par trop ignobles à l’apparition de la tragédie nationale en prose. D’ailleurs, une fois ce genre toléré, quelle belle occasion de flatterie agréable et de dédicaces bien basses ! La tragédie nationale est un trésor pour les Bonnes-lettres.

Quant à la pauvre Académie, qui se croit obligée de persécuter d’avance la tragédie nationale en prose, c’est un corps sans vie et qui ne saurait porter des coups bien dangereux. Bien loin de tuer les autres, l’Académie aura assez à faire de ne pas mourir. Déjà ceux de ses membres que je respecte avec le public sont honorés à cause de leurs ouvrages, et non pour le vain titre d’académicien qu’ils partagent avec tant de nullités littéraires. L’Académie française serait le contraire de ce qu’elle est, c’est-à-dire la réunion des quarante personnes qui passent en France pour avoir le plus d’esprit, de génie ou de talent, que, dans ce siècle raisonneur, elle ne pourrait, sans encourir le ridicule, entreprendre de dicter au public ce qu’il doit penser en fait de littérature. Dès qu’on lui ordonne de croire, rien de plus récalcitrant que le Parisien d’aujourd’hui ; j’excepte, bien entendu, l’opinion qu’il