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RACINE ET SHAKSPEARE

Je leur réponds : « Voyez-vous dans cette forêt antique ce vieux chêne qui, né par hasard, sous un roc qui l’empêchait de s’élancer directement vers le ciel, a fait avec sa tige, le tour du rocher qui l’opprimait et maintenant, espoir du marin, offre dans son tronc une courbe énorme, propre à défendre les flancs d’un vaisseau. »

Les poétiques qu’on vous a fait apprendre par cœur, au collège, sont le dur rocher qui a opprimé votre esprit naturel, et vous, vous êtes le chêne vigoureux, mais dont le tronc est faussé.

Vos fils, élevés sous l’empire de doctrines plus raisonnables, n’auront plus ces mauvaises habitudes. Répondez catégoriquement aux raisons suivantes ; je vais attaquer, sans perdre de temps en circonlocutions et préparations, ce qui est réputé le plus fort et le plus sacré dans vos arguments : le pallàdium du genre classique.

DES UNITÉS DE TEMPS ET DE LIEU

La nécessité d’observer les unités de temps et de lieu découle de la prétendue nécessité de rendre le drame croyable. Les critiques du dernier siècle (i critici antiquati) tiennent pour impossible qu’une action qui dure plusieurs mois puisse être crue se passer en trois heures. « Il est impossible, disent-ils, que le spectateur puisse supposer qu’il est assis sur les banquettes d’un théâtre pen-