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QU’EST-CE QUE LE ROMANTICISME ?

celle de Shakspeare, de Schiller et de lord Byron. Le combat à mort est entre le système tragique de Racine et celui de Shakspeare. Les deux armées ennemies sont les littérateurs français, conduits par M. Dussault et l’Edinburgh-Review. Au lieu de nous mettre si modestement à la queue des Français à cause d’Alfieri, nous ferions mieux d’être du parti du Dante, et je crois le Dante un bien plus grand homme qu’Alfieri.

Si quelque jeune homme, ne sachant pas le grec, veut être impartial dans la dispute, je l’invite à aller lire à Brera[1], en français, les tragédies suivantes de Shakspeare, Othello, la Tempête, le Bon roi Lear, Hamlet, Macbeth, Richard III, Cymbeline, la première partie de Henri IV, à cause du caractère si original de Falstaff, et, enfin, Roméo et Juliette, tragédie où ce divin Shakspeare a su peindre des cœurs italiens. Comparez Roméo aux amants d’Alfieri, et, si je ne me trompe, vous verrez qu’il l’emporte sur eux. Roméo sait parler le langage de l’amour italien.

On peut lire de Schiller : la Conjuration de Fiesque, Philippe II, qu’il est curieux de comparer à celui d’Alfieri, les Voleurs, l’Amour et l’Intrigue, Marie Stuart, les trois parties de Wallenstein, Jeanne d’Arc, Guillaume Tell.

Après s’être donné la peine de faire ces lectures, et seulement alors, on pourra prononcer en connaissance de cause.

  1. Bibliothèque de Milan.