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RACINE ET SHAKSPEARE

Il faut nous moquer franchement des prétentions ridicules des Toscans qui veulent nous imposer leur langue.

Il faut que deux ou trois philosophes, les têtes les plus froides, les plus raisonnables, les moins accessibles à l’esprit de parti nous donnent un vocabulaire extrait de bonne foi et sans aucun respect superstitieux pour l’ouvrage de parti intitulé Dictionnaire de la Crusca, des deux cents meilleurs auteurs italiens depuis le Dante jusqu’à Spalanzani et Filangieri.

Après avoir extrait les mots, il faut que ces mêmes philosophes fassent le même travail pour les tournures, c’est-à-dire nous donnent une grammaire italienne.

Le meilleur dictionnaire qui existe est celui de Johnson. Voyons-en l’histoire.

L’origine de ce dictionnaire auquel la langue anglaise devra peut-être d’exister encore dans cinq ou six siècles, cette origine est due à la loi qui défend en Angleterre les contrefaçons. Vers 1746, MM. Dodsley, Hitch, Miller, Longmann et Knapton proposèrent à Johnson alors pauvre de faire un dictionnaire universel de la langue, extrait des meilleurs auteurs et de la conversation, moyennant le prix de 1.575 livres sterling (environ 36.000 lire italiane). Les libraires se chargèrent de tous les faux frais. Johnson passait et avec raison pour le plus grand philosophe moral vivant alors en Angleterre. Cependant on ne peut pas dire qu’il fût un vrai philosophe dans le sens de Bacon, Hobbes et Helvélius. Il