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DE LA LANGUE ITALIENNE

sublime au milieu des regards surpris de l’Europe encore barbare.

Les Grecs et les Romains commencèrent par les chefs-d’œuvre et les jouissances des arts et des lettres. Puis ils ont fait plus ou moins de progrès dans les sciences physiques et mathématiques, ensuite dans la philosophie morale. Enfin est arrivé pour eux l’âge des sophistes, des grammairiens et des critiques. Comme l’esprit humain est toujours le même, les modernes ont suivi la même succession de circonstances. Ce n’est que dans ces derniers temps que l’on s’est beaucoup occupé de grammaire raisonnée et d’analyse métaphysique. Genovesi, Pietro Verri, Baccaria ont brillé parmi nous.

Le grand cheval de bataille des pédants que nous combattons est de dire que c’est la lassitude et l’épuisement du génie qui produisent ce penchant à la réflexion et à la discussion. Ils proclament comme un signe de décadence l’apparition de cet esprit subtil et sévère qui, se portant à la fois sur les choses et sur les mots, veut tout analyser, tout connaître, tout apprécier. Ils ont peur de ces gens qui cherchent à se rendre compte de toutes leurs impressions jusque dans les moindres détails.

Mais tout cela est encore un progrès de notre intelligence, progrès qui doit nécessairement suivre les autres et ne peut les précéder. Car ce n’est qu’après avoir eu des succès dans tous les genres que l’homme peut se replier sur lui-même et chercher