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DE LA LANGUE ITALIENNE

GIORNATA …

À qui faut-il donc s’adresser ? Aux jeunes gens pleins de génie qui remplissent les universités de Pavie et de Padoue, à ces jeunes militaires que la paix rend aux soins de la vie civile, à ces employés qui, ayant abandonné les affaires, porteront dans la littérature les habitudes de raison qu’ils ont contractées en agissant sur des hommes et avec des hommes. Un bon dictionnaire est une affaire de raison et de discussion et non d’enthousiasme. Il faut un génie patient, il faut un génie qui sache espérer. Gravina aurait fait un meilleur dictionnaire qu’Alfierï. D’ailleurs nous avons une difficulté immense que n’avaient pas les étrangers : c’est le malheureux esprit de parti qui divise l’Italie sur l’article de la langue. Le moyen âge, qui nous a dicté cet esprit de parti, veut aussi nous dicter la langue, et jamais un Florentin, quelque raisonnable et philosophe qu’on veuille le supposer, n’admettra pour bon et ne consultera avec confiance un dictionnaire fait à Milan. L’unique compensation du malheur de notre position, c’est que nous pouvons faire notre profit, après les avoir soigneusement examinées et purifiées, des définitions de Samuel Johnson.

Une des considérations qui me font le plus désespérer de l’entreprise c’est la considération de finances.