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RACINE ET SHAKSPEARE

Fidélité au patron convenu, mais fidélité libre pouvant, dans l’occasion, montrer quelque esprit : telle fut la manière d’éviter les ridicules dans une cour, et ce que nos pères appelaient l’usage du monde. De là les phrases : « Cela se fait, Cela ne se fait pas, Cela ne ressemble à rien, » si fréquentes dans la langue française.

En se donnant des ridicules, on perd la considération. Or, à la cour de Louis XV (où le mérite réel ne comptait guère), perdre de sa considération, c’était perdre sa fortune. Lorsqu’il se présentait un mois après une vacance, une place importante à donner, l’opinion publique de la cour déclarait qu’il était ridicule ou convenable pour monsieur un tel d’y prétendre.

C’est justement cette horreur de n’être pas comme tout le monde qu’inspire Molière, et voilà pourquoi il est immoral.

Résister à l’oppression, n’avoir pas horreur d’un péril, parce qu’il est obscur, voilà ce qui peut s’appeler n’être pas comme tout le monde, et voilà pourtant comme il faut être de nos jours pour vivre heureux ou inattaqué par le sous-préfet du coin. Tout homme timide qui a horreur du péril, parce qu’il est obscur, trouvera toujours un sous-préfet pour le vexer ou un grand-vicaire pour le dénoncer. En France, ces sortes de caractères n’ont d’autre refuge que Paris, où ils viennent peupler la moitié des nouvelles rues.

Sous un roi, la mode n’admet qu’un modèle, et, si l’on me permet de traiter