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DE QUELQUES OBJECTIONS

Une femme aimable me disait, ce soir, dans son salon : « Voyez comme on nous abandonne ; nous voici sept femmes seules ; tous ces messieurs sont là-bas autour de la table d’écarté, ou contre la cheminée à parler politique. » Je me suis dit tout bas : Molière réclame sa part de cette sottise ; n’est-ce pas là un des effets des Femmes savantes ?

Les femmes, craignant mortellement le ridicule que Molière jette à pleines mains sur la pédante Armande, au lieu d’apprendre des idées, apprennent des notes de musique ; les mères ne redoutent point du tout le ridicule de faire chanter à leurs filles :

Di placer mi balzo il cor,
........................
E l’amico che farà ?

(Gazza ladra.)
car Molière ne l’a pas nommé en public dans les Femmes savantes.

D’après cette belle manière de raisonner, depuis la chute du genre frivole (1788), les femmes ne peuvent plus qu’aimer ou que haïr ; elles ne sauraient le plus souvent discuter et comprendre les raisons d’aimer et de haïr.

Si du temps de madame Campan ou de madame la duchesse de Polignac les femmes n’était pas délaissées, c’est qu’elles comprenaient fort bien et mieux que personne les ridicules de la cour ; c’est tout simple