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DE QUELQUES OBJECTIONS

Ai capricci della sorte,
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Sarà quel che sarà

(Acte Ier.)

Mère aimable et d’un esprit supérieur, les livres sont comme la lance d’Achille, qui seule pouvait guérir les blessures qu’elle faisait ; enseignez à votre fille l’art d’éviter l’erreur, si vous voulez qu’elle puisse résister un jour aux séductions de l’amour, ou à celles de l’hypocrisie à quarante ans. En politique, comme dans l’éducation la plus privée, une baïonnette ne peut rien contre une doctrine. Tout au plus, elle peut faire redoubler d’attention pour la saisir. Les livres se multiplient si rapidement que votre aimable fille rencontrera celui que vous redoutez, fût-ce dans l’armoire d’une auberge de campagne. Et alors, voyez comme ce prétendu mauvais livre se vengera de vos gronderies passées ; ce sera à lui à jouer le beau rôle, et à vous à avoir la laide mine d’une police attrapée. Un jour, peut-être, vous ne serez plus pour votre fille qu’une femme envieuse qui a cherché à la tromper. Quelle image affreuse pour une mère !

Molière a voulu rendre impossible, par le succès des Femmes savantes, l’existence de femmes dignes d’entendre et d’aimer le misanthrope Alceste ; madame Roland l’eût aimé[1]. Et un tel homme, soutenu par un

  1. Sous le nom de madame Roland, je m’indique à moi-même le nom de femmes d’un génie supérieur qui vivent encore.