Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/365

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
328
RACINE ET SHAKSPEARE

mouvement de haine impuissante. C’est plus qu’on ne peut dire du Tartuffe. Je ne puis plus revoir ce chef-d’œuvre sans songer au bourg de Saint-Quentin-sur-Isère et à certaine Réponse aux lettres anonymes[1].

Le Légataire universel, voilà, ce me semble, la perfection, quant à la manière de peindre, de l’art comique. Les Anglais font un Beverley qui se tue ; c’est me montrer spirituellement un des inconvénients de cette triste vie, dont une aveugle Providence nous fit cadeau dans un moment de distraction. Je n’ai que faire d’un tel tableau. Je ne sais que de reste que la vie n’est pas chose gaie. Dieu nous délivre des drames et des dramaturges, et avec eux de tout sentiment de haine ou d’indignation ! Je n’en trouve que trop dans mon journal. Au lieu du sombre et plat Beverley, Regnard me présente le brillant Valère, qui, d’abord, sachant qu’il est joueur, ne se marie pas ; voilà de la vertu, et juste tout ce qu’il en peut entrer dans une comédie.

Quand il se tuerait, il se tuerait gaiement et sans y songer plus de temps qu’il n’en

  1. Allusion au forfait de l’abbé Maingrat, curé de Saint-Quentin, département de l’Isère. — Voir le pamphlet ayant pour titre :

    « Réponse aux anonymes qui ont écrit des lettres à Paul-Louis Courier, vigneron, no 2, datée de Véretz, le 6 février 1823. »

    Voilà une tendance immorale. Ô hommes puissants ! puisque vous avez le front de parler d’immoralité, voyez trente mille jeunes gens attendant aux derniers rayons du soleil d’une belle soirée de printemps…, dans une boîte, au fond de ce temple solitaire !…